La FeBISP s'interroge: Après l'activation des demandeurs d'emploi, l'activation des parents ?

La FeBISP, la Fédération Bruxelloise des Organismes d'Insertion Socioprofessionnelle et d'Economie Sociale d'Insertion réagit aux propos tenus par Thierry Willemarck, le nouveau président du Beci lors de son interview du 18 octobre 2013 dans le journal L'écho. Pourquoi la FeBISP intervient lorsqu'il est question de décrochage scolaire et de stigmatisation d'une communauté ? Le chômage frappe particulièrement les personnes sans diplôme d'humanité supérieur : échec des écoliers, échec d'un système. Les organismes d'insertion socioprofessionnelle offrent des formations pour les chômeurs peu qualifiés, les Missions Locales les accompagnent durant leur recherche d'emploi et organismes d'économie sociale d'insertion leur fournissent des emplois au sein de leurs structures. Quasi toutes les personnes qui viennent chez les membres de la FeBISP ont été un jour des écoliers en échec scolaire.

 

L'absentéisme scolaire n'est pas la cause de l'échec scolaire, il en est la conséquence

Selon le nouveau président du Beci, pour combattre l'échec scolaire, il faut combattre l'absentéisme scolaire qui en est une des causes. Les études montrent que c'est le contraire qui se passe : l'absentéisme n'est pas la cause de l'échec scolaire mais bien sa conséquence. Plus précisément, l'une de ces conséquences ou des caractéristiques de l'abandon scolaire. Plus largement, le décrochage scolaire est un phénomène complexe lié à plusieurs facteurs : échecs répétés, transition difficile, mauvaise orientation, etc. (cfr les documents produits par le Conseil de l'Education et de la Formation ou par la Commission Consultative Formation Emploi Enseignement).

Retirer les allocations familiales sur base de l'absentéisme scolaire ne fera pas revenir les enfants à l'école

Selon Thierry Willemarck, supprimer les allocations familiales aux parents dont les enfants ne vont pas à l'école devrait les inciter à obliger leurs enfants à aller à l'école. Dire que les parents seront motivés à suivre la scolarité de leur enfant grâce à une prime pécuniaire, c'est croire que l'investissement des parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants reposerait sur une motivation pécuniaire. Il nous semble évident que les parents sont dans leur écrasante majorité soucieux de la scolarité de leurs enfants.

Punir les familles dont les enfants sont en échec scolaire, revient à leur signifier qu'elle n'assume pas bien leurs responsabilités, qu'ils sont de mauvais parents. Il y a en effet de mauvais parents : des parents maltraitants ou abusifs. Il s'agit de situations extrêmement graves qui sont gérées par des organismes compétents. Dans ces cas, la législation ne se contente pas de retirer les allocations familiales à ces parents, elle retire les enfants à leurs parents. Le fait que les enfants soient en échec scolaire et qu'ils ne vont pas suffisamment à l'école ne fait pas de ces parents des parents abusifs, maltraitants ou de mauvais parents.

Appauvrir les familles dont les enfants sont en difficulté scolaire ne les aidera pas

Les statistiques montrent que les enfants issus des classes favorisées de la population réussissent mieux à l'école que les autres. Le décrochage scolaire est plus important dans les milieux pauvres (statistiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles - enquête PISA). Supprimer les allocations familiales aux familles dont les enfants ne sont pas suffisamment présents à l'école touchera donc surtout les familles les plus pauvres. Penser que supprimer les allocations familiales aux familles dont les enfants ne vont pas à l'école va aider ces mêmes enfants est complètement faux !

Pour la FeBISP, les familles seraient au contraire en plus grande difficulté économique et sociale et auraient encore plus de mal à suivre leurs enfants. La FeBISP plaide donc pour une réforme de l'enseignement et un soutien auprès de ces enfants et de leurs familles (cfrr les avis du Conseil de l'éducation et de la formation, en particulier l'avis 104).

Stigmatiser une communauté... Pourquoi ?

Cette sanction envisagée par le nouveau président du Beci frapperait donc en priorité une catégorie économique et non pas une catégorie ethnique comme le suggère le représentant du Beci.

Pourquoi stigmatiser une communauté ? Pourquoi s'avancer sans aucune base scientifique ou statistique ? Ce qui est certain, c'est que les injustices socioéconomiques ont toujours pu grandir grâce à la mise en avant de catégories ethniques, raciales ou religieuses (voir par exemple les écrits d'Emmanuel Todd sur les USA) : moins de redistribution, moins de justice sociale, moins de protection sociale. Pour tous.

La FeBISP en tant que représentante de l'insertion socioprofessionnelle et de l'économie sociale d'insertion tient à dénoncer ces propos comme dangereux et stigmatisant.

Les fonctions critiques existent mais dans un contexte de chômage structurel

Pour le nouveau patron des patrons bruxellois, il faut améliorer l'enseignement puisqu'une des causes du chômage est la sous-qualification. Les fonctions critiques sont un argument régulièrement utilisé par une partie des partenaires sociaux : « il y a des emplois pour tous ceux qui veulent vraiment travailler. Dans ce cadre, l'assurance chômage est inutile et les grands patrons du secteur privé font leur part du travail : créer de l'emploi. »

La FeBISP tient à rappeler que les causes de ces fonctions critiques ne reposent pas uniquement sur le manque de qualification. Au contraire, des conditions de travail trop pénibles et des salaires trop faibles sont parmi les principales raisons de ces « pénuries » de main-d'œuvre (voir les fonctions critiques publiées par Actiris).

Quelques faits :

  • Le chômage structurel n'est ni une opinion, ni une vue de l'esprit. Le chômage structurel est un fait objectif quantifiable. A Bruxelles, il est chiffré dans les environs des 20%.
  • En 2012, un article dans la presse a mis en avant qu'Actiris ne recevait que 3.000 offres d'emploi par an... pour plus de 100.000 chômeurs.
  • Lors du Job Contact du 16 octobre 2013 organisé par Actiris et le VDAB, 7.000 demandeurs d'emploi se sont présentés pour 500 offres d'emplois.

Moins d'Etat mais plus d'intrusion

Les attaques contre la sécurité sociale reposent souvent sur deux arguments : moins d'Etat permet plus de liberté individuelle ; moins d'Etat signifie moins d'impôts et moins de dépenses.
Ces arguments ont été mis en avant pour défendre la récente accélération de la dégressivité des allocations de chômage dans le temps. Cependant, comme dans le cas de la réforme de l'assurance chômage, ce « moins d'Etat » se paie par une intrusion de plus en plus grande de ce même Etat dans la vie privée des gens... et surtout vis-à-vis des catégories socioéconomiques les plus pauvres. Cet argument n'a pas été repris cette fois-ci, mais il est bien présent de manière générale dans les politiques qui guident les réformes de l'Etat.

Les secteurs de l'insertion socioprofessionnelle et d'économie sociale d'insertion que représente la FeBISP sont quotidiennement confrontés aux effets néfastes des politiques de contrôle et de sanction. La politique d'activation et de contrôle des chômeurs ne permet pas aux plus pauvres d'entres-eux de trouver de l'emploi (cfr les études de l'Institut de Recherches Economiques et Sociales de l'Université Catholique de Louvain) et au contraire, ce sont les chômeurs les moins qualifiés et les plus en difficulté qui sont sanctionnés (cfr les études publiées par la revue interdisciplinaire d'étude juridique de l'Université Saint-Louis). Après la preuve de recherche d'emploi, à quand la preuve que les parents ont bien conduit leur enfant à l'école ?

Contre une redistribution des richesses

Ces propos montrent une nouvelle fois la forte volonté de certains de détricoter les acquis sociaux obtenus pour une immense majorité de la population. Les allocations familiales sont un droit pour toutes les familles : ce principe d'universalité ne doit pas être remis en cause. Elles doivent rester dans la logique de la sécurité sociale qui plus que jamais doit être défendue. Une réforme de l'enseignement est nécessaire. Elle doit se faire en concertation avec tous les acteurs concernés et une attention particulière doit être portée sur l'échec scolaire. Former la population n'est pas suffisant pour lutter contre le chômage : les études montrent que les chômeurs sont de plus en plus formés (voir les études menées au sein de l'Institut de gestion de l'environnement et d'aménagement du territoire de l'ULB). Il faut créer des emplois sans pour autant restreindre les acquis sociaux de la population.

Ces attaques contre la sécurité sociale ou plus fondamentalement contre une redistribution des richesses se suivent et se ressemblent :

  • Il ne s'agit jamais d'une attaque frontale contre la sécurité sociale.
  • Il ne s'agit jamais d'une attaque directe contre la redistribution.
  • Il ne s'agit jamais d'une attaque contre les pauvres ou contre la classe moyenne : ces mots ont disparu du vocabulaire.
  • Il est toujours question de stigmatiser une communauté.
  • Il est toujours question de responsabiliser les gens.
  • Il est toujours question de bonnes intentions.

Pour la FeBISP, il est temps de réfuter les soi-disant solutions et de défendre nos acquis sociaux : notre protection sociale et notre instruction publique. Il grand temps d'en obtenir d'avantage.

Contact presse : Alice Berger - Attachée Communication et Relations Publiques : 02 537 72 04 ou berger@febisp.be