AUX TARTES DU POTAGER SCHAERBEEKOIS


Charles-Otto Frèze

Il est des coïncidences parfois déroutantes. C'est en effet le 19 décembre 2008 qu'un certain YsL a quitté ses fonctions, tout comme une certaine SeB. Mais là s'arrête la similitude. Précisons tout de suite que le premier n'a aucun lien avec le créateur français de luxe à l'acronyme homonyme. Il a néanmoins été prié de partir pour avoir voulu être mis au parfum des réflexions de certains magistrats, dans une affaire entre l'employeur qu'il représentait et un célèbre établissement financier.

La seconde a quitté sa place au bénéfice de l'âge, ce type d'expression étant désormais admis depuis l'application de l'égalité de genre, de manière transversale, dans tous les projets subventionnés par le Fonds social européen (FSE).Si le premier (qui ne l'est plus que dans mon texte) ne servait en guise d'argumentation que des paraphrases d'idées générales et consensuelles, la seconde a su démontrer son habileté dans la rédaction de notes construites, argumentées, compréhensibles et malgré tout synthétiques.Si le premier s'est montré piètre négociateur, la seconde s'est avérée fin stratège lors des discussions budgétaires ou institutionnelles avec les pouvoirs publics ou avec ses partenaires-concurrents associatifs.

Si le premier se bornait aveuglément à tenter d'appliquer purement et simplement son programme, la seconde savait faire preuve d'une grande capacité d'écoute et d'empathie. Elle n'a jamais été de celles et ceux qui vendent leur soupe. Au contraire, elle était disposée à reconnaître auprès de ses interlocuteurs qu'il pouvait y avoir un cheveu dans la sienne, sans bien sûr cracher dedans, car elle avait ce sens de l'éthique professionnelle.En somme, tout les différencie. Et leur reconversion est là pour appuyer cet état de fait indéniable. Nous pouvons raisonnablement pressentir que YsL n'est plus actuellement en odeur de sainteté après s'être fait « tailler un costume » par ses pairs pour son impair. Habillé pour l'hiver, il a entamé sa traversée du désert, sans escale médiatique réussie jusqu'à présent. Dans sa sombre histoire de cuisine interne, YsL a bien tenté de refiler la patate chaude à des seconds couteaux et des petits mitrons. Mais cette fois-ci, il y avait des yeux dans le bouillon pour regarder en face la réalité crue.

SeB a, en revanche, un agenda encore très rempli. Elle continue à donner de la voix sans fausse note. Elle multiplie les séjours dans sa demeure méridionnale d'Outre-Quiévrain. Elle en rapporte d'ailleurs aromates et condiments, recettes et imagination pour faire chanter les papilles gustatives de son cercle familial et de son réseau d'amis. Car les talents maraîchers et culinaires de SeB ne sont plus à démontrer. Sur son lopin de terre bruxellois, suivant en cela la maxime voltairienne, elle cultive son jardin. Et quel jardin ! Elle a maitrîsé l'art du Bio en cultivant les grosses légumes du Parti (chères à Sartre), les pommes d'Adam mais pas celles de discorde, les poires pour la soif, les raisins de la colère, les cerises sur les gâteaux, les pêches d'enfer, les oranges bleues et les concombres masqués.

Et donc je fais le rêve qu'un jour je puisse lire, écrit en lettres vertes au fronton d'une échoppe bruxelloise : « Aux tartes du potager schaerbeekois ». Une échoppe devant laquelle votre odorat s'émoustillera au contact des effluves alléchantes de tartes et autres mets délicats. Une échoppe dans laquelle je me régalerai de ces pâtes croustillantes et dorées, de ces légumes mûrs et gorgés de fraîcheur, de ces mariages gustatifs innovants et ingénieux. Parce que, vous l'aurez compris : tout ce qu'elle fait, SeB... c'est bien !