LE NOBEL D'ECONOMIE SOCIALE ET DURABLE DECERNE A UN BRUXELLOIS

René Olybéral

Décidément, l'année 2013 est morose ! La fin du cofinancement des Fonds structurels européens pour la Belgique dès le 1er janvier prochain, a encore été affirmée dans son allocution télévisée quotidienne par le président plénipotentiaire de l'Europe, Nicklaas Haarkosi.

Le ministre de l'intérieur a annoncé la date des prochaines élections régionales. Elles se dérouleront le 2eme dimanche de décembre. Le gouvernement fédéral espère ainsi disposer au sein des entités fédérées d'une coalition identique à la sienne. Pour rappel, depuis le scrutin régional de 2009, les élections régionales et fédérales alternent tous les 6 mois avec l'objectif d'obtenir une coalition identique à tous les étages de la Masure - pardon - de la Maison Belgique. Enfin, suite aux dernières élections communales anticipées de septembre 2012, les 19 co-bourgmestres francophones des communes bruxelloises ne sont toujours pas nommés. Ils refusent toujours de prêter serment dans les deux langues officielles de la région bruxelloise, en commençant par celle de Vondel. Cette obligation, tout comme celle portant création d'un maïorat bicéphal (NL/FR) pour ces communes, fait suite à l'accord constitutionnel de juillet 2011 qui prévoit le refinancement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Heureusement, une timide lueur d'espoir est venue du grand Nord. Le prix Nobel d'économie sociale et durable, qui, depuis 2010, clôt la série annuelle des Nobel, a été décerné lundi à un Belge : Gabriel Maissin. Il a été distingué pour ses travaux sur « La solubilité des principes néo-marxistes dans les structures d'économie sociale d'insertion et leur application possible à la gouvernance d'entreprise pour l'émancipation finale de l'homme sur le capital. »

Face à la crise financière et économique qui avait démarré à l'automne 2008 et à la vague de nationalisation de toutes les entreprises du Royaume1 qui avait suivi, les projets d'économie sociale d'insertion ont montré leur potentiel de création de valeur et de création d'emplois. M. Maissin a ainsi démontré que plus les travailleurs sont heureux, ont du temps libre, sont sécurisés, reconnus et valorisés, plus les entreprises sont prospères (selon l'indice de développement humain et non plus selon la variable éculée et sclérosante du PIB), plus les liens familiaux et sociaux se retissent et plus la cruche va à l'eau sans se casser.

D'ores et déjà des voix s'élèvent au gouvernement fédéral pour demander une identification des bonnes pratiques et pour tenter des expériences pilotes de dénationalisation en mettant en oeuvre cette théorie. Et l'on parle de réunir à nouveau l'octopus pour opérationnaliser cela.

Gabriel Maissin, Bruxellois, originaire du Borinage, trilingue français-néerlandais-italien, a très tôt montré son engouement pour cette science sociale et s'est rapidement intéressé à la fonction des pouvoirs publics comme agent économique. Licencié en politique économique et sociale de l'UCL, il avait choisi comme sujet de mémoire : « le rôle économique de l'Etat, le cas belge ». Féru d'économie, Gabriel Maissin l'est incontestablement. D'ailleurs, son allure capillaire - le cheveu long sur les côtés, la barbe foisonnante (devenue grisonnante avec... l'expérience) - n'est pas sans rappeler celle de quelques grands théoriciens allemands et français du 19eme siècle (Marx, Engels, Proudhon). Ont-ils été ses maîtres à penser ? Non, car il n'a assurément ni dieu ni maître. Néanmoins, quand il jouait au Monopoly, il cherchait toujours à obtenir des accords avec les autres joueurs pour acquérir collectivement les demeures de prestige et en faire des Maisons du Peuple ou de l'Education permanente !

Conscient de la nécessité d'une approche systémique multifactorielle et plurielle, surtout à Bruxelles, Gabriel Maissin a complété sa formation dans les années 90 par un DES en sciences du développement (1995), puis un DEA en sciences de la population et du développement (1998) avec pour sujet de thèse : « le développement urbain entre logiques locales et globales. Le cas du PRD bruxellois ». Dès lors, quoi de plus naturel que de le retrouver à partir de 1999 aux commandes de la FeBISP, dans un secteur à la croisée de multiples matières (emploi, économie, formation, enseignement, éducation permanente...).

De ses années passées dans le secteur de l'ISP et de l'ESI, tant ses interlocuteurs que ses pairs, lui reconnaissent sa compréhension des enjeux, ses capacités d'analyse stratégique et tactique, sa vision macro-économique. Son opiniatreté, sa loyauté, son pragmatisme et sa maîtrise des dossiers ont contribué à faire de la FeBISP un interlocuteur sérieux et reconnu des pouvoirs publics. Bon orateur, charismatique et doté d'un sens de l'humour parfois cynique que n'aurait pas renié Pierre Desproges, il a su faire avancer les idées du secteur dans les lieux de négociation ou de concertation.
Ses anciens collaborateurs lui reconnaissent en outre des qualités d'informaticien (Apple est le seul mot qu'il sache prononcer correctement en anglais) et surtout de mélomane... à mémoire courte. En effet, ce n'est que très récemment qu'ils ont découvert que le gimmick « baisse un peu l'abat-jour » n'était pas une création maissinienne, mais bel et bien le début du refrain d'une véritable chanson2 !

Gabriel Maissin recevra des mains du roi de Suède le 25 décembre prochain à Stockholm une médaille dorée (en chocolat belge), un diplôme (validant 9 unités de compétences) et un chèque de 10 millions de couronnes suédoises (1,08 million d'euros). Le lauréat a d'ores et déjà indiqué que cette somme irait directement à la fondation qu'il désespérait de pouvoir créer un jour : la Fondation « asbl sans frontière ». Cette Fondation de dimension européenne viendra en aide aux asbl quand celles-ci seront en difficulté de trésorerie en raison des retards de liquidation de subvention des pouvoirs publics. « Asbl sans frontières » n'est peut-être qu'un nom provisoire, Gabriel Maissin hésitant encore avec « l'Internationale associative ». Pour le choix définitif, vous pourrez voter par internet jusqu'au 31 août via un formulaire en ligne élaboré et mis gracieusement à disposition par l'Agence FSE dès le 29 du même mois.

Notes de bas de page
1 Toutes sauf les TPE (moins de 10 salariés) qui sont passés, à Bruxelles, sous le contrôle des Missions Locales et des Lokale Werkwinkels.
2 Baisse un peu l'abat-jour, une chanson de 1945. Paroles de Marcel Delmas et musique d'Henri Bourtayre. Interprète : Elyane Célis (née Éliane Delmas en 1914 à Ixelles - décédée en 1962), chanteuse et actrice belge. Elyane Célis fait ses débuts au Casino de Paris en 1934 aux côtés de Maurice Chevalier. Dotée d'une voix de rossignol (ce qui n'est pas le cas de Gabriel Maissin...), elle est aussi l'interprète des chansons " Siffler en travaillant " ou " Un jour mon prince viendra " que fredonne le personnage de Blanche-Neige issue du film d'animation Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) de Walt Disney.