RENCONTRE AVEC... LA FEBIO : NOUVELLE FEDERATION NEERLANDOPHONE DE L'ECONOMIE SOCIALE A BRUXELLES

Il n'est certes pas facile d'exister en Belgique institutionnelle quand on est Bruxellois, mais il est peut-être encore moins facile d'exister quand on est Bruxellois néerlandophone : une minorité dans la plus petite des Régions, tout en appartenant à une communauté majoritaire qui fait comme si Bruxelles - telle qu'elle est - n'existait pas, puisqu'elle considère que Bruxelles est en Flandre. C'est dans ce contexte qu'est née la FEBIO.

Suzanne Beer

L'asbl FEBIO (Federatie van de Brusselse Initiatieven voor de Ontwikkeling van de werkgelegenheid) a été créée en décembre 2007. Sa gestation a duré un an, et a été portée par plusieurs directeurs d'ILDE  (PIOW en néerlandais) dont deux que nous avons rencontrés : Simon Verstraeten, directeur de Casablanco, et Gert Van Snick, directeur de Baïta. Axel Kapinga, permanent récemment engagé par la FEBIO, participait à la rencontre.

Notre rencontre a eu lieu dans les nouveaux locaux de la FEBIO, clairs, spacieux et fonctionnels.

Pourquoi la FEBIO est-elle née ? Quelle nécessité y avait-il de constituer une fédération ?

Une Plate-forme (le BIP) existait auparavant, qui rassemblait une quarantaine d'initiatives d'ISP et d'économie sociale bruxelloises. Nous voulions donner à cette plate-forme une dimension associative forte, c'est d'ailleurs pour cela que lors de la création de la FEBIO, tous les présidents des asbl fondatrices se sont réunis. Or les présidents sont des personnes non rémunérées, fortement impliquées dans leurs associations respectives.

La FeBISP vous a inspirés en quelque sorte...

Bien sûr ! (rires)

Tracé Brussel existait cependant, avec son réseau ISP ?

C'est vrai, mais le rôle de Tracé Brussel s'est entre-temps modifié. D'autres missions lui ont été dévolues, comparables à la coordination zonale exercée par les missions locales, mais sur plusieurs zones. Si Tracé Brussel continue, très utilement, à organiser la concertation entre les opérateurs de formation et d'économie sociale d'insertion, ces derniers ressentaient le besoin de s'organiser en vraie fédération. Les problématiques de l'économie sociale d'insertion, si elles intègrent des préoccupations en matière de formation, vont au-delà. Par ailleurs, si le sort des opérateurs de formation  se joue surtout avec la Flandre, celui de l'économie sociale est principalement lié à des politiques bruxelloises et fédérales.

Dans le cadre de votre décision et de votre partage des responsabilités avec Tracé Brussel, quelles sont alors les missions que s'est données la FEBIO ?

Le volet économique et la dimension de développement de ces initiatives d'économie sociale d'insertion doivent absolument être traités, ainsi que leur représentation auprès des pouvoirs publics. A coté des discussions individuelles des initiatives avec les divers pouvoirs subsidiants, nous voulons aussi nous forger des positions collectives et une identité en tant que secteur. D'où, tout naturellement, ce mouvement de fédération. Le contexte IDLE et EI, avec ses problèmes de financement récurrents a aussi joué un rôle de catalyseur pour ce mouvement : il fallait réagir, montrer de quoi nous étions capables en termes de création d'emplois, et s'appuyer sur nos capacités de croissance pour prouver que de nouveaux moyens financiers augmentaient vraiment le nombre d'emplois créés pour le public-cible, autrement dit pour les chômeurs et demandeurs d'emploi les plus difficiles à placer.

Qui sont vos membres ?

Nous avons à l'heure actuelle 22 membres, ILDE, EI  ou autre (employeurs PTP ), occupant du personnel public-cible  avec l'insertion comme objectif premier. Pratiquement toutes les ILDE et EI néerlandophones ou bilingues sont fédérées dans la FEBIO.

Bilingues ?

Oui, bilingues, même si revendiquer un tel statut relève de la gageure à Bruxelles !

Pourquoi, rien ne serait prévu pour ça ???

Il suffit de penser aux formulaires : soit une langue soit l'autre. Il arrive à certaines structures bilingues de faire une phrase en français et une en néerlandais, mais ce n'est sans doute pas au goût de tout le monde... (rires)

Redevenons sérieux. Que faites-vous comme fédération. Quels objectifs vous êtes-vous fixés ?

Nous avons déterminé un plan pluriannuel, avec comme objectifs (du plus important au moins important) : 1. La représentation des membres, au niveau politique, au niveau de la Plate-forme de concertation de l'économie sociale, et... avec vous. Sur des matières régionales, il faut que nous avancions ensemble, nous sommes exactement dans le même bateau. . 2. Le développement d'un pôle de services : il s'agirait avant tout d'offrir une aide à la gestion de nature généraliste. En effet, nous ne pensons pas pouvoir, dans un avenir proche, offrir des services aussi diversifiés et pointus que ceux d'agences-conseil telles que Hefboom ou Crédal, par exemple. Mais nous voudrions développer une bonne connaissance de l'offre de conseil et des diverses possibilités pour financer ces services. Le but est de pouvoir accompagner les membres et, pourquoi pas, d'autres porteurs de projets, dans l'identification de leurs besoins et des réponses qu'ils pourraient y apporter. Nous espérons dans les années à venir être financés par la Région pour ce volet  « services ». 3. L'échange d'expertises entre membres (par exemple, échanges sur les conditions de travail pratiquées par chacun, échanges sur les façons de se financer, échanges sur la formation des travailleurs etc.) .

Comment fonctionnez-vous ? Comme la FeBISP ?

En gros, oui. Nous avons une assemblée générale mensuelle, qui est l'organe vital de la fédération. Le conseil d'administration, élu par l'assemblée générale et composé des directeurs de 4 structures membres, se réunit une ou deux fois par mois pour concrétiser les décisions de l'AG. Et nous avons récemment engagé un travailleur permanent, spécialisé en sciences politiques.

Son poste est un poste Maribel social, c'est cela ?

Oui, c'est le résultat de la mutualisation de moyens maribel des membres de la fédération. Cela montre à quel point les membres trouvaient important non seulement de constituer la fédération mais aussi de lui donner les moyens de fonctionner.

Quelles sont les problématiques que vous abordez pour l'instant, même si on peut imaginer qu'elles sont les mêmes qu'à la FeBISP ?

Il y a fort à parier que c'est le cas, oui. Nous travaillons la question des commissions paritaires pour les ILDE. C'est le problème le plus urgent. Nous avançons avec Sociare , présent dans les instances paritaires. Question urgente, car Les ILDE doivent pouvoir travailler dans la plus grande transparence et la plus grande sécurité juridique. Or pour l'instant, c'est l'insécurité. Nous avançons aussi avec vous, évidemment, tu le sais bien (rires... nous nous voyons, avec tous les autres acteurs, tant de fois sur cette question !)  et explorons la piste de la commission paritaire 329. Espérons que nous pourrons arriver à un accord avec tous les secteurs ! Deuxième question travaillée : la réforme - nécessaire - de l'ordonnance et/ou de ses arrêtés d'application.

Là encore, nous travaillons avec vous et les autres fédérations bruxelloises pour mieux être entendus, pour parler d'une même voix, pour représenter le terrain, et pour que cette ordonnance corresponde vraiment aux réalités des ILDE et des EI,. Nous travaillons aussi avec l'administration et le cabinet du ministre de l'Emploi, car tout cela s'inscrit dans une politique régionale, et doit être faisable administrativement parlant.

Exact. Troisième axe de travail : arriver à concrétiser en Région de Bruxelles-Capitale la possibilité de mettre des travailleurs PTP à disposition d'entreprises privées. Nous pensons qu'à l'instar des personnes en formation, les travailleurs PTP doivent pouvoir entrer en contact avec les entreprises « classiques » avant leur transition professionnelle définitive. Nous travaillons aussi sur l'organisation de la formation pour les articles 60 et les PTP, en partenariat avec Tracé et des opérateurs de formation.

Les deux premiers thèmes sont très présents dans notre fédération, y compris le financement lui-même des projets, non seulement parce que rechercher une façon juste de distribuer le budget n'est pas chose simple, mais aussi parce que les nouvelles budgétaires à Bruxelles ne sont pas bonnes.

Cela nous inquiète énormément aussi, et cela occupe une bonne partie de nos assemblées générales.

Une dernière question : une de vos priorités est de renforcer vos liens avec nous. Vous voyez ça comment ?

Eh bien, par exemple, pour en discuter, nous verrions bien nos deux conseils d'administration se réunir et envisager l'avenir...

D'autant que nous sommes sur les mêmes enjeux régionaux : développer le secteur, en nombre d'initiatives et en nombre de travailleurs public-cible embauchés, le faire connaître, lui permettre de se professionnaliser, lui permettre de se pérenniser.

Oui... nous avons du pain sur la planche.

Hé oui, c'est ça qui fait l'intérêt de nos métiers ! Merci Gert, Simon et Axel, et certainement à bientôt.