REPORTAGE: LE CFA FAIT SON CINEMA

Il paraît que les journalistes ont toutes sortes d'avantage. Le premier est d'être invité à des événements gratuitement. Nous, les reporters de L'insertion, avons l'immense avantage d'être invité aux événements organisés par nos membres. Dernier en date : la projection des films vidéo créés par les stagiaires de la formation qualifiante d'« Animateurs en arts du spectacle » du Centre de Formation d'Animateur, le CFA.

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Je ne vais plus au cinéma depuis longtemps et j'étais bien contente de cette invitation. Je suis donc arrivée devant les portes du CFA à 18h15 où un petit groupe de personnes attendaient déjà. À 18h30, les portes se sont ouvertes et le petit groupe s'est engouffré jusqu'au deuxième étage où avait lieu la projection. Les stagiaires y avaient invité des amis et des membres de leurs familles. Petit papotage convivial autour de quelques chips et boissons, en attendant le début de la projection. L'ambiance y était décontractée, seuls les stagiaires paraissaient un peu nerveux. J'ai eu le temps de discuter avec l'une d'entre eux, Silvia Peritore, une stagiaire ISP d'une trentaine d'années, qui m'a un peu expliqué son parcours et la formation. Pour elle, c'est clair après avoir vivoté et animé des groupes, elle désire devenir une animatrice à part entière « J'ai déjà animé des ateliers de masques, de marionnettes, d'expression corporelle, mais je n'étais pas animatrice. Pour moi cette formation, c'est quitter le domaine de l'autodidacte et me donner de réels outils pédagogiques pour gérer des groupes de manière technique et artistique. »

Pour vous situer le contexte, cette formation existe depuis vingt ans, le CFA était à l'époque reconnu uniquement comme organisme de jeunesse. Néanmoins, le centre ouvrait déjà ses portes à des jeunes issus de milieux populaires. Mais en tant qu'organisme de jeunesse, il n'était pas possible d'offrir la gratuité d'inscription. Les stagiaires devaient souvent travailler pour suivre la formation. Bien entendu, cela entravait la marche de leur formation. C'est pour faciliter leur parcours que le CFA a demandé à être un organisme d'insertion socioprofessionnelle. La gratuité est un obstacle en moins à franchir pour ces jeunes qui veulent devenir des cadres culturels au sein de leur quartier ou de leur milieu social. C'est donc dans les années nonante que le CFA est reconnu en tant qu'organisme d'insertion socioprofessionnelle. A ce sujet, Sylvia nous dit « heureusement que cette formation est gratuite, sans cela je n'aurais sans doute pas pu la suivre et l'indemnité d'un euro de l'heure, même taxée, est la bienvenue ! » Le partenariat avec Actiris, permettant un meilleur accompagnement pour les stagiaires ISP, est venu beaucoup plus tard et seulement à titre précaire. Et ce, malgré les nombreux débouchés à l'emploi (70% d'insertion professionnelle dans l'année qui suit la formation) grâce aux contacts avec les employeurs ou encore aux stages qui ouvrent souvent la porte à un travail, etc. C'est finalement en 2006 que le CFA est devenu un partenaire stable d'Actiris.

Aujourd'hui, le CFA jongle avec l'insertion socioprofessionnelle, l'éducation permanente et la jeunesse, toujours avec les mêmes objectifs : préparer les stagiaires aux activités professionnelles d'animateurs, les mettre à l'emploi et former des CRACS, c'est-à-dire des Citoyens, Responsables, Actifs, Critiques et Solidaires. La formation d'animateur est organisée en filière avec Proforal qui offre quatorze places en préformation. La formation qualifiante se fait au CFA et réunit vingt-quatre stagiaires dont seize en insertion socioprofessionnelle et huit en éducation permanente. S'il y a plus de places en formation qualifiante qu'en préformation, cela permet d'admettre aussi des candidats qui n'ont pas forcément suivi tout le parcours. Sylvia fait partie des stagiaires ayant suivi la préformation à Proforal « C'est très bien cette préformation pour les personnes qui sont sorties de l'école depuis longtemps. Proforal offre, non pas une remise à niveau car je n'aime pas cette expression, mais une refamiliarisation avec l'apprentissage. »

D'autre part, en rapprochant des publics différents par leur niveau de formation comme ceux qui relèvent de l'insertion socioprofessionnelle et de la convention Education permanente, le CFA obtient une dynamique très positive et profitable aux uns comme aux autres.

La plupart des stagiaires admis ont une corde artistique mais veulent également transmettre leur expérience de la création à d'autres. C'est essentiel pour devenir animateur. Le CFA veille à ne pas prendre des personnes qui ont pour unique ambition de devenir artiste, il ne s'agit pas seulement d'un développement personnel. La dimension du groupe est primordiale dans le métier d'animateur. Les futurs animateurs ne seront pas là pour réaliser leur propre ?uvre artistique mais celle du groupe qui leur est confié. Il faudra qu'ils puissent écouter chaque membre du groupe et mener un projet commun dans le respect mutuel. La formation ne cesse d'y mettre l'accent, ainsi, toutes les créations sont le fruit d'un travail collectif. Chaque projet est un reflet individuel et du groupe. Chaque stagiaire doit s'y retrouver en tant qu'individu et en tant que groupe. Ils devront agir ainsi. Sylvia nous résume cette vision « En tant qu'animatrice, ce qui m'intéresse c'est de ne pas toucher au projet du groupe animé mais bien de le guider. »

Les publics d'insertion socioprofessionnelle et d'éducation permanente sont différents. Les premiers cherchent plus clairement un emploi : animateur. Pour eux, il s'agit d'un travail qui a du sens. Les seconds sont plus en quête d'outils. Contrairement aux ressortissants de l'éducation permanente, rares sont les stagiaires en insertion socioprofessionnelle ayant eu accès à la vidéo ou au théâtre. Sylvia nous l'affirme « Pourquoi j'ai suivi cette formation ? Pour décrocher un emploi. C'est difficile d'avoir un contrat dans l'animation, il faut répondre à toutes sortes d'exigences administratives, professionnelles, etc. Maintenant les employeurs verront que j'ai suivi cette formation durant un an. Je pense que ce sera plus facile de trouver un emploi. »

Voilà pour ce qui est du contexte, revenons-en à ma petite soirée : les chips étaient bien bons mais j'étais impatiente d'assister à ce que les stagiaires avaient produit en si peu de temps. Et bien, j'ai été bien agréablement surprise. Très agréablement surprise. Disons-le, j'ai été bluffée !

Vers 19h30, une soixantaine de personnes sont présentes dans la salle ou se sont tenues certaines assemblées générales de la FeBISP : la grande salle du CFA. Le silence fraye son chemin parmi les petits groupes, les lumières s'éteignent et la projection commence. Chaque film dure entre trois et dix minutes, l'ensemble est le résultat d'un module de près d'un mois. Les vidéos sont entièrement écrites, filmées, jouées et montées par les stagiaires.

Lors des premières séances de la formation, les stagiaires dégagent les thèmes sur lesquels ils souhaitent travailler. Ce groupe a choisi : la drogue, l'amour et le conte. Ensuite, des sous-groupes sont formés de telle sorte que chaque stagiaire passe par toutes les étapes de la conception d'un film. Tout d'abord, il faut écrire un scénario, créer des personnages, raconter une histoire. Ensuite, il faut trouver les endroits pour tourner. Il faut également préparer les acteurs pour interpréter les rôles, diriger toute l'équipe pendant le tournage. Enfin, vient le montage. Tous les stagiaires passent devant et derrière la caméra : conception et réalisation, technique caméra et son, et comédien.

Avant d'être ainsi projetés, les films sont visionnés par tout le groupe. Chacun donne son avis. Je n'ai pas assisté à cette présentation, par contre, j'ai assisté à une activité de création durant laquelle les stagiaires, divisés en sous-groupes, présentent à tour de rôle une courte pièce de théâtre sur un thème prédéfini. Après chaque représentation, le reste du groupe donne son avis. Le tout se déroule dans une atmosphère de confiance au sein de laquelle les remarques des autres sont constructives. De la confiance, il en faut pour se mettre à nu devant les autres. C'est pourquoi, il est primordial de bien distinguer l'analyse critique du simple fait de critiquer.

Comme je vous le disais, j'ai été totalement bluffée, les films étaient drôles et émouvants. Certains ont même réussi l'exploit de faire du peu de moyen une force, d'autres sont même parvenus à nous tirer quelques larmes.

Moi qui déteste que l'on me raconte la fin d'un film, je ne vous raconterai pas les histoires car elles seront disponibles sur le site de la FéBISP, mais je vous donnerai juste l'eau à la bouche en vous évoquant quelques scènes. L'impuissant qui trouve enfin le grand amour et forme un couple parfait ; Madame bureau et Monsieur pipi qui tombent amoureux autour d'une cuvette de WC ; Alice qui se trompe de porte et se retrouve au pays de la poudre blanche ; un monsieur bien gentil qui a de longues conversations avec son compagnon, un élan en peluche ; Blanche neige qui se retrouve madame pipi et rêve de son prince charmant en s'alignant quelques lignes de coke ; la sortie de la drogue d'une jeune fille ; le sauvetage d'un orphelinat à coup de poker ; un martien qui casse le flacon de bonheur et est envoyé sur terre pour rechercher le remplacement (le moyen de transport vers notre planète bleue est pour le moins... évocateur !), et pour finir, une bien belle histoire.

J'ai vraiment passé une très bonne soirée ! Merci à eux.