SUR LE VIF: MOIS DE JANVIER MOROSE POUR LES SOLDES...FSE

Les versements et non-versements des soldes FSE en janvier 2008

Pierre-Alain Gerbeaux

J'ai noté sur un post-it : « Recontacter l'Agence au sujet des soldes FSE ». Il est joli ce post-it... d'un blanc immaculé à en-tête de l'Agence Fonds Social Européen accompagné du drapeau européen aux 12 étoiles. Tous les opérateurs francophones cofinancés par le FSE connaissent ce bloc de post-it. Il fait partie d'un « kit de visibilité » disponible sur demande auprès de l'Agence FSE et qui comprend également des stylos bille, des feutres fluorescents en forme de triangle (3 couleurs disponibles en un seul feutre à l'ergonomie... euh... disons inhabituelle). Il s'agit de matériel visant à renforcer la publicité du cofinancement européen.

Mais revenons à notre sujet, les soldes FSE et brossons rapidement le tableau. Dès le début de l'année 2007, les discussions avec le Cabinet de la Ministre Dupuis permettaient d'envisager un apport de trésorerie avant fin décembre 2007 pour pallier la liquidation tardive des soldes FSE 2004 et 2005. Malheureusement ces perspectives ne se sont pas réalisées et tous les opérateurs d'insertion socioprofessionnelle (OISP) ne seront pas logés à la même enseigne : finalement, ce sont uniquement les montants des dossiers de soldes analysés par l'Agence FSE qui sont liquidés, sans aucun apport de trésorerie supplémentaire.

Certains heureux élus ont pu fêter Noël et rembourser leur ligne de crédit en recevant leurs soldes fin décembre. Les autres devront attendre. Là encore, des différences subsistent puisque selon les prévisions du Cabinet Dupuis et de l'Agence FSE, certains toucheront leur montant fin janvier, tandis que les autres devront attendre, au mieux, juin. La raison en est administrative, l'Agence FSE n'ayant pas terminé l'examen de l'ensemble des dossiers de soldes envoyés par les OISP respectivement en août 2004, août 2005 et août 2006. Faisons un rapide calcul : tous les opérateurs ont réalisé leurs 3 années d'activité mais 2/3 d'entre eux n'ont perçu que 2 ans de cofinancement FSE.


Mais 2008 est une année ô combien délicate, puisque les OISP sont également en attente de réponse suite à l'appel à projet FSE 2007-2013 clôturé en septembre dernier. En effet, les projets sont encore en cours d'examen par une taskforce qui prévoit de remettre son avis aux gouvernements concernés (dont le Collège de la Cocof) au plus tôt fin mars, c'est-à-dire trois mois après le début de l'année. Or, faute de décision quant à l'agrément FSE de leurs actions de formation pour les années 2008 et suivantes, la mécanique de préfinancement structurel instaurée en 2004 ne peut être activée.

 

RETROSPECTIVE

Fin mai 2003, les opérateurs d'insertion socioprofessionnelle bruxellois alertaient le Ministre Tomas à propos des retards cumulés des versements de cofinancement FSE. La situation était alarmante puisque de 2000 à 2003 inclus les OISP n'avaient reçu que 50% de leurs subsides FSE. Depuis, un mécanisme de préfinancement structurel a été instauré. Il résulte d'une revendication des employeurs incluse dans l'accord non marchand de 2000 et concrétisée quelques... années après.

En 2004, c'est la Cocof qui avait assuré ce préfinancement aux OISP en leur versant 50% des subsides FSE annuels. Pour 2005 et 2006, c'est la Communauté française qui a été chargée de pourvoir au préfinancement des opérateurs ISP wallons et bruxellois et de surcroît à hauteur de 75% de leur cofinancement FSE annuel.

Précisons toutefois que le terme préfinancement, nous l'avons constaté à nos dépens, ne signifie pas pour les pouvoirs publics, une avance de trésorerie au mois de janvier de l'année considérée. En effet, 5 mois ont été nécessaires en 2004 et

2006 et pas moins de 6 à 8 mois en 2005 pour que les OISP reçoivent leur avance sur leur compte. Et ce bien que la FeBISP ait toujours avec le cabinet Dupuis assuré un suivi précoce et régulier.

Pour 2007, malgré l'absence de lancement de l'appel à projet de la nouvelle programmation en 2006, un préfinancement a pu être mis en ?uvre mais dont le montant a été calqué sur celui de l'année précédente. Toutefois pour 2008, cette opération n'est plus envisageable. Il faut donc attendre les décisions d'agrément des projets.

UN PETIT APPORT DE TRESORERIE

Dès lors, cumulé au versement tardif des soldes des années précédentes, le préfinancement tardif de 2008 va rendre la situation de trésorerie de bon nombre d'OISP rapidement intenable. D'où l'initiative du cabinet Dupuis, de procéder à « l'alignement du montant du préfinancement 2004 » sur ceux de 2005 et 2006 pour les OISP qui n'ont pas touché leurs soldes. En clair, il s'agit de verser 25% du montant FSE 2004 (pour parvenir à 75% de préfinancement). Mais vu les montants, et considérant que cet apport n'était pas disponible sur le compte des opérateurs début février, les problèmes risquent de se reposer d'ici quelques semaines.

Le FSE est un subside important pour les actions des OISP (en moyenne 35% des financements). Depuis 2004, le montant agréé représente annuellement environ 7.150.000 euros pour les 49 opérateurs d'insertion socioprofessionnelle. Certes les OISP peuvent emprunter?; et c'est ce qu'ils font depuis des années pour faire le pont entre les versements des différents subsides qu'ils mettent en gage. Entre 2000 et 2004, ce sont ainsi 270.000 euros qui ont été versés en intérêts bancaires par les OISP bruxellois. Mais pour emprunter, encore faut-il un document officiel qui atteste de l'octroi futur d'un subside.

Or, dans le cas présent, sans décision d'agrément FSE 2008, impossible de demander l'ouverture d'une ligne de crédit. Impossible également de mettre les soldes en gage car les montants de ceux-ci ne sont pas certains (des dépenses peuvent être refusées par les pouvoirs subsidiants).

DES RETARDS AUX CONSEQUENCES MULTIPLES

Avec les années, les responsables d'asbl deviennent des équilibristes de la gestion financière. Ils passent plus de temps qu'ils ne devraient à tenter de maintenir leur trésorerie car ils savent : que chaque mois, il y a les salaires à verser, les loyers, les dépenses de fonctionnement à payer ; que tous les trimestres, il y a les cotisations ONSS ; qu'en juillet, il y a en plus les pécules de vacances ; qu'en décembre, il y a en plus les primes de fin d'année.

Les difficultés cumulées de trésorerie peuvent entraîner à terme des retards dans la mise en oeuvre des actions d'ISP, dans la mise en oeuvre des dépenses et donc, ironie suprême, peuvent déboucher sur l'impossibilité d'utiliser la totalité des montants FSE agréés. On aboutit ainsi à une situation ubuesque qui nuit à l'offre de formation disponible. In fine, c'est le demandeur d'emploi, de plus en plus contraint de s'activer et de se former, qui en supporte les conséquences.

Le plus simple serait sans doute de supprimer le cofinancement FSE. En Wallonie c'est chose faite pour les actions structurelles des OISP-EFT?; et c'est désormais la Région qui assure le financement, le FSE étant utilisé pour les actions de formation pilotes. Est-ce envisageable à Bruxelles ? Cela ne risque-t-il pas de réduire drastiquement l'offre de formation professionnelle des OISP ? Une solution médiane consisterait à ce qu'une entité fédérée assure un réel préfinancement, charge à elle ensuite de récupérer le montant FSE auprès des services de la Commission européenne. Actiris procède de cette façon avec l'enveloppe «FSE Emploi» de la Région bruxelloise.

À l'heure où beaucoup de monde disserte sur et réfléchit à Bruxelles et son architecture institutionnelle, une réflexion sur ce thème serait fort opportune, sauf à se satisfaire de laisser peser une contrainte financière de la politique régionale de formation sur les opérateurs les plus fragiles. J'ai donc noté sur un autre post-it : «penser à demander à changer le système».

Cet article a pu être écrit grâce au soutien de la Cocof, de la Région
de Bruxelles-Capitale et espérons-le... du Fonds social européen