LE PARCOURS DE VIE DE MARIE-FRANCE JEANJEAN

À 19 ans, Marie France JeanJean décide de quitter le cocon familial pour suivre des  « Etudes théâtrales » à l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve. Pour payer son minerval et son loyer, il lui faut travailler. Vendeuse de chaussures, de croissants, serveuse, poseuse d'agrafes la nuit, elle passe d'un petit boulot à l'autre sans se poser de questions et expérimente différentes conditions de travail (trop tôt, trop chaud, trop routinier, mains aux fesses,...). En 1989, elle obtient sa licence et enchaîne en cours du soir avec la formation « Son, Corps, Voix » organisée dans la section expérimentale de l'Académie de Court-St-Etienne et Ottignies Louvain-la-Neuve.

Le projet global de cette formation est de décloisonner les disciplines et de les travailler en interaction en vue de la présentation d'un spectacle en fin d'année. En tant qu'étudiante, Marie-France réalise qu'elle préfère travailler dans l'ombre plutôt qu'être sur scène, elle s'occupe de la scénographie, de la régie... « C'est comme aujourd'hui, dit-elle, ce sont les autres que je mets en lumière, je les valorise à partir de ce qu'ils savent déjà faire ».

L'académie organise des humanités artistiques section théâtre en collaboration avec le Lycée Martin V. Elle y est engagée à plein temps l'année suivante. L'objectif général est d'initier les jeunes de 12 à 18 ans aux pratiques du théâtre dans une synergie de groupe et dans cette même approche de décloisonnement des matières. Pour la sélection des jeunes, les professeurs animent une journée de travail ; ils les mettent « en situation » et repèrent dans l'action leurs atouts et leurs faiblesses. Cela permet également de leur montrer dans quel esprit et avec quelle méthode, la formation se déroulera par la suite. Pour Marie-France, l'apprentissage est toujours lié au projet et il est important que les participants en comprennent bien le cadre. Elle donne cours d'histoire du théâtre, d'histoire de la littérature, de diction, de scénographie et de techniques du spectacle de 1989 à 1995.

Fin 1992, elle est licenciée et agrégée « ès lettres », et complète son activité professionnelle par l'aide à la rédaction et à la correction de mémoires universitaires. Et en 1993, elle fonde avec d'autres la French Teachers Association, où elle donne des cours individuels de français langue étrangère à un public aisé composé de femmes « au foyer », épouses de bureaucrates européens. Elle réalise qu'il manque dans cette formule une dynamique de groupe qui lui tient à c?ur et une réelle implication dans l'apprentissage (ces femmes sont bien souvent en recherche de lien social). Or, pour Marie-France, l'apprentissage doit avoir du sens, doit répondre à de véritables besoins de vie et se traduire concrètement ensuite pour chacun.

En 1995, elle entend parler de

. Elle se présente et convainc la direction de sa motivation. Elle y découvre un secteur qu'elle a à peine entraperçu à la télévision, un public inconnu et inexistant dans « son » monde. Personnellement, elle n'a jamais été confrontée à de véritables difficultés matérielles et elle mesure combien la vie peut être injuste, difficile, différente pour ces personnes.

Dans ses cours, elle fait appel aux méthodes qui, pour elle, ont déjà fait leur preuve : elle décloisonne les « matières », propose des mises en situations concrètes et surtout fait appel à la capacité des stagiaires à se mobiliser, à progresser à partir d'une relation de confiance, d'une synergie de groupe où ils sont acteurs et actifs.

En 1998, elle éprouve le besoin de prendre du recul par rapport à sa pratique professionnelle. Elle obtient un diplôme d'Etude complémentaire en philosophie en cours de soir aux Facultés universitaires St-Louis à Bruxelles.

Depuis 2004, elle enchaîne plusieurs formations courtes. Elle s'initie ou développe ainsi différents aspects de la pratique en insertion socioprofessionnelle :« La méthode Pourquoi pas », « L'initiation à la méthode naturelle », « Les pratiques et politiques d'alphabétisation et d'acquisition des savoirs », « Récit de vie » (Lire-et-Ecrire),

« Les repères collectifs pour le travail social » de FCSS, « L'initiation à la gestion mentale » (Chôm'hier), «  Les aspects idéologiques de l'ISP » (CIEP, MOC), « Entraînement à la communication et à l'analyse en équipe » (CARHOP), « Etre acteur en tant que formateur » (MOC), « L'approche par compétences » (Interfaces)...

Pour Marie-France, ces formations lui permettent de rester en éveil par rapport à sa pratique, de se situer dans le cadre plus large du dispositif d'insertion socioprofessionnelle, d'élargir ses contacts à d'autres formateurs d'autres centres de formation et d'échanger des bonnes pratiques. Marie France Jeanjean est tombée dans l'ISP par hasard mais ce n'est pas un hasard si elle y reste. Elle est portée par sa confiance en l'humanité et par l'envie de guider ceux qui en ont besoin vers plus d'autonomie.