REPORTAGE: LA SALLE DE SPORT DE SAINT GILLES


Loin des Jeux Olympiques, de la course aux médailles, des paillettes et des stars du sport, le projet sportif communal de Saint-Gilles relève quotidiennement des défis plus délicats et plus complexes. Les infrastructures sportives communales rassemblent de nombreuses associations qui s'emploient à donner au sport ses lettres de noblesse.
Pour en savoir plus, nous avons rencontré Farid Salhi, employé au Service des Sports de de la commune de Saint-Gilles et Administrateur de plusieurs associations membres de la FEBISP.

Tatiana Vanessa Vial Grösser

SPORT ET INSERTION : EMANCIPATION INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE

Toutes les actions de la salle de sport s'inscrivent dans un mouvement d'émancipation individuelle et collective visant particulièrement les populations les plus démunies de la Région bruxelloise et à Saint-Gilles en particulier. Pour ce faire, une approche globale est mise en marche et plusieurs partenaires accordent leurs violons :

  • Amélioration du sentiment de cohésion sociale dans les quartiers coordonné principalement par la Mission Locale de Saint-Gilles, la commune de Saint-Gilles et le réseau associatif dans son ensemble grâce à la rencontre positive entre les différentes couches de la population Saint-gilloise (le mélange des origines ethniques et culturelles et le vivre ensemble est un facteur d'amélioration du sentiment de cohésion sociale) ;
  • L'alphabétisation avec l'intervention de Lire et Ecrire ;
  • La formation avec le CFS et Cenforgil ;
  • L'économie sociale qui regroupe Innovasport, Cenforgil et Banlieues.

Par ailleurs, l'Ecole des jeunes gère la formation sportive, éducative et sociale des jeunes affiliés à l'Union Saint-gilloise. Ce sont 350 jeunes et leurs familles issus de toutes origines culturelles qui se regroupent quotidiennement autour de ces projets sportifs et sociaux (sensibilisation au racisme, école des devoirs, etc.)

« Le sport est une pratique physique, accessible à tous dont les objectifs sont essentiellement la recherche du plaisir, du bien-être, de liens sociaux et conviviaux, de la découverte de l'autre, ... Le sport est clairement envisagé comme un service à la population. » C'est à partir de cette conception que la politique sportive se déploie à Saint-Gilles.

 

A CHAQUE SPORT SON PUBLIC

Avant tout cela, la salle de sport existait depuis ... , les locaux appartenaient à la commune, mais aucune politique sportive n'était appliquée. « La porte restait ouverte et venait qui voulait. Résultat : il n'y avait qu'un type de personnes qui venait : des jeunes entre 15 et 23 ans qui venaient jouer du mini-foot. La plupart d'entres-eux étaient d'origine magrébine. Aucun autre sport n'était pratiqué et aucune fille ne franchissait la porte. De plus, les personnes qui animaient les activités sportives n'étaient pas bien formées. Les jeunes n'étaient pas bien encadrés et il y avait régulièrement des bagarres. »

En 1991, Farid Salhi veut lancer une formation d'animateur sportif. Il contacte le directeur de la Mission Locale de Saint-Gilles de l'époque, Alain Leduc. Ce dernier est intéressé et décide d'intégrer cette formation à son programme et Farid y devient formateur.

Vers 1996, la commune décide d'impulser une réelle politique sportive et veut former les animateurs de la salle sportive et diversifier les activités sportives. La salle sportive doit toucher un public plus large et les sports pratiqués y jouent un rôle fondamental. « Chaque sport a sa particularité qui fait qu'une personne s'y retrouve ou pas. Par exemple au mini-foot, le groupe doit obligatoirement être composé de personnes plus ou moins du même âge, de la même force physique, du même sexe. Au badminton, ce n'est pas le cas : un grand peut jouer avec un petit, un homme avec une femme, etc. C'est cela qui attire un public différent. Au départ, ce n'était pas facile, nous avons commencé par bloquer les mardi pour le badminton et le volley. Personne ne venait pour le volley et seulement deux personnes se présentaient pour le badminton. Les jeunes du mini-foot ne comprenaient pas pourquoi les salles étaient bloquées sans personne alors qu'ils étaient entre quinze et vingt à attendre ... Maintenant la pratique s'est installée et nous accueillons de nombreux clubs et des sports différents. Bien entendu, il y reste beaucoup de mini-foot, mais il y a aussi d'autres sports. »

LE SPORT ET L'EMPLOI

En 1998, les Missions Locales ne peuvent organiser des formations que sous certaines conditions et la formation en animateur sportif est en péril. La Mission Locale de Saint-Gilles veut sauver son volet formation et crée un organisme d'insertion socioprofessionnelle « Cenforgil » qui rependra les formations en cours. Petit à petit, plusieurs organisations se rassemblent pour travailler vers un but commun : rendre le sport accessible à tous et créer de l'emploi pour les jeunes.

C'est ainsi que cette formation ISP visait, non seulement l'amélioration de la pratique sportive, mais également l'emploi pour les jeunes en formation. La formation en animateur maître nageur sauveteur ne posait aucun problème en terme de débouchés d'emploi. D'ailleurs, la plupart des stagiaires commencent à travailler dès la fin de leur formation. Ce n'était pas le cas pour la formation en animateur sportif qui offre majoritairement des emplois saisonniers : les congés scolaires sont des périodes propices à l'emploi mais le reste du temps est assez creux. Les structures sportives offrent rarement un travail en horaire complet et le plus souvent, elles se contentent d'engager du personnel indépendant. Il a donc fallu créer des emplois.

L'association Cenforgil a ainsi été chargée :

  • De gérer la salle de fitness ;
  • d'organiser des stages sportifs pour des jeunes durant les congés scolaires
  • De mettre sur pied des activités parascolaires le mercredi après-midi et le samedi ;
  • de s'ouvrir à des « marchés » sportifs tel que l'encadrement de journée sportive d'entreprise, des formations à d'autres communes, etc.
  • Pour le public adulte, Cenforgil a développé des cours durant l'heure du midi : badmington, capuera, etc.
  • En plus de son axe formation, Cenforgil a développé un axe en économie sociale, il s'agit du volet production. Grâce à ces initiatives, plusieurs personnes ont pu être engagées de manière permanente.

Parallèlement, la commune voulait améliorer la gestion des cafétérias des infrastructures sportives sous sa tutelle. Elle ne voulait plus la laisser à des sociétés aux contrats précaires. C'est pourquoi, la gestion de la cafétéria de la salle de sport fut confiée à Innovasport. Cette Initiative Locale pour le Développement de l'Emploi (ILDE), créée en 1994, a pour objectif de créer des emplois pour les jeunes bruxellois peu ou pas qualifiés à travers les métiers de l'Horeca et de permettre le développement de projets sportif à Saint-Gilles. Actuellement, en plus du Centre Sportif de Saint-Gilles, l'ILDE gère l'Ecole des jeunes de l'Union Saint-Gilloise, la Piscine Victore Boin ou encore le Centre Culturel Jacques Franck. Depuis quelques années, Innovasport a un service traiteur. Cette infrastructure est également responsable d'envisager les aspects éthiques du sport. Dans cette perspective, l'association a lancé plusieurs campagnes comme celle pour les vêtements propres ou encore pour lier le sport et la démocratie.

L'EXCELLENCE DU SPORT

Grâce à toutes ces initiatives, la pratique du sport s'est diversifiée, les publics sont devenus plus hétéroclites et mixtes, des formations se sont construites, des emplois stables se sont créés pour les jeunes. Cependant, Farid Salhi ne compte pas s'arrêter en si bon chemin et lance un nouveau projet.

« Enfin, un pôle d'excellence autour de la pratique sportive regroupant toutes les initiatives prises en la matière est en cours de structuration. L'objectif est de maximiser les forces et compétences de l'ensemble des acteurs du sport affin d'améliorer notre action sur le terrain et pour ne pas oublier l'essence même de nos actions : rendre un service au public dans un esprit d'émancipation. »