REPORTAGE: LES COMPETENCES TRANSVERSALES A LA UNE

Ce 13 mai 2008, la Chom'Hier-AID organisait, à l'occasion de sa journée portes ouvertes, une table ronde sur « le travail des compétences transversales en insertion socioprofessionnelle ».

Autour de la table : deux représentantes de la Chom'Hier, Muriel Borré, formatrice en français et Virginie Maingain, coordinatrice pédagogique, ainsi que deux enseignants et chercheurs du Centre Interfaces(1) , Dominique Bertrand et Barbara Dufour.

Ana Teixeira

La méthode présentée par la Chôm'Hier lors de cette table ronde était inspirée d'une recherche menée par le Centre Interfaces sur « les compétences négligées par l'école »(2), ces compétences dont tout le monde dit qu'elles sont essentielles mais par rapport auxquelles les formateurs et/ou enseignants se trouvent souvent démunis de méthode d'apprentissage.

Parmi ces compétences, l'on compte toute une série de compétences transversales qui sont indispensables aux stagiaires pour pouvoir trouver un emploi et s'y maintenir. L'employeur privilégiera ainsi souvent un stagiaire qui doit encore développer certains savoir-faire mais qui est capable de s'adapter à un cadre professionnel à un stagiaire qui maîtrise les compétences métiers requises par le secteur mais qui ne parvient pas à respecter un règlement de travail.

MAIS COMMENT TRAVAILLER DES COMPETENCES TRANSVERSALES AVEC UN GROUPE DE FORMATION ?

La Chôm'Hier part du postulat que la plupart des compétences transversales ne s'acquièrent que par une prise de conscience progressive de celles-ci par les stagiaires. Dès lors, ces derniers sont amenés, dès le début de la formation (alpha, formation de base ou formation qualifiante) à réfléchir en groupe aux compétences qu'ils devront développer pour pouvoir entrer dans une autre formation (qualifiante ou non) ou pour pouvoir trouver un emploi dans le secteur choisi. Les stagiaires listent alors, spontanément, une série de critères qui leur semblent importants : respecter un règlement, un horaire, pouvoir travailler seul et en équipe, être participatif, s'investir dans la formation, etc.

Par la suite, les stagiaires sont amenés à classer et à regrouper tous ces critères en quelques grandes compétences. Les plus souvent dégagées sont :

  • je comprends et je me fais comprendre ;
  • je comprends le cadre dans lequel je me situe (formation ou secteur professionnel) et je sais m'y adapter ;
  • je suis capable de m'intégrer dans un groupe de travail (groupe de formation ou équipe de travail) ;
  • je me donne les moyens d'atteindre les objectifs de ma formation / d'apprendre ;
  • j'ai un comportement adapté à mon projet.

Lors d'une négociation collective, chaque compétence est développée par les stagiaires. Qu'entendent-ils par s'intégrer dans un groupe de travail ? Que faut-il mettre en place pour y parvenir ?...  Ces discussions mènent à une première définition de la compétence, déclinée en différents indicateurs.

Dans un troisième temps, des activités spécifiques sont mises en place pour pouvoir travailler les compétences dégagées. La réflexion par rapport à l'activité menée permet de confronter la représentation mentale que les stagiaires avaient de la compétence au vécu des participants. Les compétences sont alors testées et affinées. Les stagiaires identifient ensemble les indicateurs observables (pouvant adopter des formes variées) qui permettent de préciser les qualités attendues par la compétence.

Outre la mise en place d'une véritable dynamique de groupe, ce travail sur les compétences transversales permet d'établir un cadre commun dont les critères sont connus de tous et auquel le formateur et les stagiaires peuvent se référer de manière individuelle ou collective. En outre, ce travail permet de clarifier rapidement le cadre de la formation en référence à un futur contexte de travail et au marché de l'emploi, ce qui donne sens à l'apprentissage et au parcours d'insertion. Enfin, cette démarche permet de constituer, avec les stagiaires, des grilles d'(auto)évaluation auxquelles chacun peut se référer pour évaluer sa progression. Celles-ci permettent à chacun de pointer précisément ce qui peut ou doit être amélioré pour soi et avec les autres.

Pour les chercheurs du Centre Interfaces, l'atout de la méthode est de s'appuyer à la fois sur l'expérience individuelle de chacun ainsi que sur des situations vécues collectivement par le groupe durant la formation. En outre, elle permet de prendre en compte la dimension affective liée aux apprentissages.

En matière de pédagogie, l'essentiel est de réconcilier le stagiaire avec son image de soi et lui permettre d'acquérir des compétences qu'il pourra par la suite transférer dans sa vie quotidienne et professionnelle. La question n'est pas d'évaluer à tout prix mais de donner des outils de progression et des moyens d'apprendre à chacun.

Les compétences clé selon l'Europe

Dans le très célèbre « Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, sur les compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie, Journal officiel L 394 du 30 décembre 2006, l'Europe établi une série de compétences clé dont voici la liste :

  • La communication dans la langue maternelle qui est la faculté d'exprimer et d'interpréter des concepts, pensées, sentiments, faits et opinions oralement et par écrit (écouter, parler, lire et écrire), et d'avoir des interactions linguistiques appropriées et créatives dans toutes les situations de la vie sociale et culturelle ;
  • La communication en langues étrangères qui implique, au-delà des mêmes compétences de base que celles de la communication dans la langue maternelle, la médiation et la compréhension des autres cultures. Le degré de maîtrise dépend de plusieurs facteurs et des capacités d'écouter, de parler, de lire et d'écrire ;
  • La compétence mathématique et les compétences de base en sciences et technologies. La compétence mathématique est l'aptitude à développer et appliquer un raisonnement mathématique en vue de résoudre divers problèmes de la vie quotidienne, l'accent étant mis sur le raisonnement, l'activité et le savoir. Les compétences de base en sciences et technologies renvoient à la maîtrise, à l'emploi et à l'application des connaissances et méthodologies servant à expliquer le monde de la nature. Elles supposent une compréhension des changements liés à l'activité humaine et à la responsabilité de tout individu en tant que citoyen ;
  • La compétence numérique qui implique l'usage sûr et critique des technologies de la société de l'information (TSI) et, donc, la maîtrise des technologies de l'information et de communication (TIC) ;
  • Apprendre à apprendre lié à l'apprentissage, à la capacité à entreprendre et organiser soi-même un apprentissage à titre individuel ou en groupe, selon ses propres besoins, à avoir conscience des méthodes et des offres ;
  • Les compétences sociales et civiques. La compétence sociale renvoie aux compétences personnelles, interpersonnelles et interculturelles ainsi qu'à toutes les formes de comportement d'un individu pour participer de manière efficace et constructive à la vie sociale et professionnelle. Elle correspond au bien-être personnel et collectif. La compréhension des codes de conduite et des usages des différents environnements dans lesquels l'individu évolue est essentielle. Par ses compétences civiques, notamment sa connaissance des notions et structures sociales et politiques (démocratie, justice, égalité, citoyenneté et droits civils), un individu peut assurer une participation civique active et démocratique ;
  • L'esprit d'initiative et d'entreprise qui consiste en la capacité de passer des idées aux actes. Il suppose créativité, innovation et prise de risques, ainsi que la capacité de programmer et de gérer des projets en vue de la réalisation d'objectifs. L'individu est conscient du contexte dans lequel s'inscrit son travail et est en mesure de saisir les occasions qui se présentent. Il est le fondement de l'acquisition de qualifications et de connaissances plus spécifiques dont ont besoin tous ceux qui créent une activité sociale ou commerciale ou qui y contribuent. Cela devrait inclure la sensibilisation aux valeurs éthiques et promouvoir la bonne gouvernance ;
  • La sensibilité et l'expression culturelles qui implique la conscience de l'importance de l'expression créatrice d'idées, d'expériences et d'émotions sous diverses formes (musique, arts du spectacle, littérature et arts visuels).(3)

TOUR DES TABLES DES OISP

Nous vous l'avions annoncé dans L'insertion 75, la FeBISP a créé un groupe de travail sur les compétences transversales dont un premier tour de table a été établi. De manière unanime, les OISP affirment que le développement de compétences transversales est souvent un préalable à l'acquisition de compétences techniques. Leur mobilisation détermine bien souvent la réussite des parcours de formation ou d'insertion.

De plus, conformément à leur mission d'insertion socioprofessionnelle, le développement des compétences transversales est au coeur de la pratique des OISP. Néanmoins, ces compétences n'étant pas encore formalisées, leur développement et leur évaluation peuvent se heurter à la subjectivité de chacun.

Les OISP souhaitent professionnaliser leurs outils afin d'établir des critères objectifs, mais refusent d'adopter un « carcan » pédagogique reproduisant des normes scolaires qui placent le public dans des situations d'échec. Ils ont ainsi fait part des mécanismes déjà mis en place : conseil de participation, grille d'évaluation à partir de comportements observables, listes des compétences spécifiques, etc. Il s'agit maintenant d'échanger les bonnes pratiques et de mener une réflexion afin de les identifier, d'établir un langage commun et de dégager un socle de base. Cette clarification permettra très certainement de renforcer le dispositif ISP.

NOTES DE BAS DE PAGE

1 Centre de recherche lié aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur
2 Deux livres de référence : « Les compétences négligées par l'école. Les raconter pour les enseigner » et « Des compétences pour la vie. Des modules pour les enseigner », Éditions Couleur Livres, Bruxelles
3 Selon http://europa.eu/scadplus/leg/fr/cha/c11090.htm