SOMMAIRE DE L'INSERTION 108

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Le sujet de ce numéro a été décidé depuis plusieurs mois, mais nous avons commencé à l’élaborer quelques jours après les attentats terroristes sur Bruxelles. Aborder l’inclusion et l’exclusion en ce moment comporte plusieurs risques majeurs, car l’émotion est encore vive et laissera certainement des séquelles importantes.
Notre dernier dossier concluait sur « Vaincre le manque de confiance ». Il a été rédigé le 15 mars et il est arrivé dans vos boîtes le 24 mars. Ce soir, je me demande si j’aurais osé terminer ainsi quelques jours plus tard… Je n’ai pas la télévision, je n’écoute pas la radio, je lis relativement peu les journaux, mais j’ai un profil Facebook et j’ai lu les commentaires. Certains m’ont fait sourire, d’autres m’ont énervée, certains m’ont attristée... Que dire ? Les mots manquent parfois de souffle. Ils oscillent entre la plume et les pierres.
Dans cette grande fatigue, j’ai pensé à Noam Chomsky qui explique à peu près ceci : « Oui, je peux dire que c’est terrible, et cela l’est. Mais qu’est-ce que cela apporterait au débat ? La question que je me suis posée c’est que puis-je, en tant qu’intellectuel, apporter au débat ? » C’était lors
de la guerre des Etats-Unis contre le Vietnam. La question qu’il a fallu se poser est : que pouvons-nous, en tant qu’acteur associatif, fédération sectorielle et patronale et agence-conseil en économie sociale, apporter au débat ?
La première évidence est que nous devons éviter l’émotionnel. C’est un risque. Cependant, ce n’est ni de la froideur ni de la distance. Oui, nous chancelons. Plus modestement, l’affectif ne nous est pas spécifique. Et parfois, le silence est une pudeur indispensable.
La seconde évidence, c’est d’éviter de donner des leçons, d’arriver avec des certitudes. Il faut raviver la réflexion. Dire « je pense », ce n’est pas dire « je sais » qui instaure une supériorité des
uns sur les autres, ce n’est pas dire « je crois » qui ferme le débat. Le savoir commence là où la réflexion gagne. La croyance commence là ou la réflexion capitule. Et aujourd’hui, personne n’a vaincu et capituler n’est plus une option viable.
Ce que nous pouvons apporter de spécifique, c’est de dévoiler tout ce qui est mis en place pour inclure les gens, dans le respect de leurs différences et de raconter pudiquement les dérives de l’exclusion. Nos secteurs qui sont aux limites de ce qui fait la société, aux frontières de la redistribution, aux bordures de ce qui est admis, aux confins de ce qui est accepté. Au milieu de la fragilité qui vacille. L’insertion se débat sans cesse entre force et fragilité. Ce que nous pouvons apporter de spécifique au débat aujourd’hui, c’est de montrer la différence entre ce qui est légal et ce qui est légitime.

J’écris donc ces lignes pour les garder comme ligne conductrice de ce numéro. Et j’espère, oui j’espère, que nous y parviendrons.

Tatiana Vial Grösser
Directrice adjointe de la FeBISP