SOMMAIRE DE L'INSERTION 123

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Le contexte actuel de crise sanitaire semble - et c’est le moins que l’on puisse dire - peu propice aux réjouissances, ni à court-terme ni à long-terme, ni pour nos publics ni pour les travailleurs et les structures qui, au quotidien, les accompagnent… Les mots pour décrire les maux nous touchant le plus directement ne manquent pas : crises (sanitaire, environnementale, sociale et économique) aussi inextricablement liées qu’aux impacts démultipliés, mise à nu intégrale de la fracture sociale, précarisation croissante des personnes déjà les plus précarisées et fragilisation accrue des acteurs associatifs. L’incertitude, plus encore que d’habitude, est à son comble et l’espoir de « lendemains qui chantent » semble s’éloigner chaque jour un peu plus. Toutefois, faisant nôtre la devise « Pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté », nous voulons croire que nous pourrons, ensemble, sortir par le haut de cette situation chaotique inédite. Et si, en effet, cette crise faisait ressortir, comme par contraste, tant les traits les plus saillants de qui nous sommes que le coeur de nos missions d’insertion ? Ces dernières seraient-elles aujourd’hui plus incontournables que jamais ? Pensons tout d’abord à l’accueil, à la formation et à l’accompagnement de nos publics. Ce que montre la crise de manière aiguë, c’est la nécessité de cette triple dimension pour répondre aux besoins des publics les plus fragilisés. Et, à quelques rares exceptions près, on voit bien que cette dimension ne peut être pleinement atteinte « à distance », « hors les murs ».
La profonde spécificité des dispositifs d’insertion, leur véritable richesse héritée des premières actions menées dans les années 70, c’est la proximité physique du public avec les personnes qui chaque jour les accompagnent, dans une temporalité commune et un espace partagé.

Sans ce lien fragile, noué peu à peu dans un climat de confiance réciproque, quelque chose d’essentiel se perdrait. Ensuite, ce contexte inédit illustre également que nos dispositifs ne se résument pas, pour l’insertion socioprofessionnelle, aux seuls volets « formation » et « accompagnement » et, pour l’économie sociale d’insertion, à la production de biens ou de services. L’inquiétude et la détresse, tant sanitaire que matérielle, de nos publics ont pu être entendues par les personnes les accompagnant. Et ces dernières ont cherché - et cherchent encore - à les informer au mieux sur la crise sanitaire et à garder au maximum le contact avec eux. Un volet essentiel des dispositifs d’insertion est donc bien, dans une perspective d’éducation permanente, la visée de l’émancipation des personnes. Et, dans le contexte actuel où plus rien ne semble acquis, ces termes - tout comme le S trop souvent oublié d’ISP - prennent plus que jamais tout leur sens. Enfin, la crise nous permet de réfléchir au sens profond du fait associatif.

Qu’est-ce que « faire association» aujourd’hui ? A la fois dans sa dimension interne, par le fait de réunir ensemble des personnes poursuivant un même objectif, mais également par sa dimension externe, lorsque ces structures s’associent elles-mêmes pour partager leurs expériences et pour mener des combats communs. L’urgence liée à la crise sanitaire a mis en lumière ces deux dimensions intrinsèquement liées. D’une part, lorsque les équipes ont dû, en interne, discuter ensemble et s’organiser pour continuer à donner sens à leur mission d’insertion. D’autre part, quand les structures sont entrées en contact les unes avec les autres pour partager ce qu’elles ont mis en place et pour chercher à s’entraider. Ou, encore, lorsqu’elles se tournent vers leur fédération - et réciproquement - afin qu’une mobilisation collective et solidaire de nos secteurs puisse être entendue par les pouvoirs publics et les décideurs politiques. Sans détour étymologique, la radicalité de la crise vécue renvoie d’ailleurs directement les structures associatives aux racines mêmes de leur engagement commun, de leur raison d’être. Ces différentes forces mises paradoxalement en exergue par le contexte chaotique actuel, ce sera à nous tous de les porter haut et fort !

Ne soyons pas naïfs, le combat sera dur. Les discours de compréhension et de soutien d’un jour ne sont pas toujours ceux du lendemain, surtout quand cette crise sanitaire, malgré son ampleur sans précédent, semblera loin. Les diverses stratégies de relance risquent, comme souvent, d’oublier les personnes les plus fragiles tandis que les dégâts actuels pour ces dernières sont déjà conséquents… Mais nous devons également - et surtout - garder à l’esprit que les contextes les plus hostiles, comme les crises les plus aigües, portent en eux, dans un mouvement dialectique, les ferments de leur propre dépassement. Si, comme disait le poète, « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve », alors à nous d’être pleinement acteurs de ce changement.


La Co-direction de la FeBISP,
Tatiana Vanessa Vial Grösser & François Geradin